BuG: BuG I, A 109
Frankfurt 27. 10. 1768

Cornelia Goethe an Katharina Fabricius 27. 10. 1768 (Pfeiffer-Belli S. 345)

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Frankfurt 27. 10. 1768

Que ferai je? je me suis habillee pour sortir, et je n’en ai pas le courage. Je m’en irai; il m’est impossible de les [die Brüder Olderogge] voir ... Mon frere m’a demandé si je sortois aujourdhui, et je lui ai repondue qu’oui, ainsi je ne saurois reculer ...

a cinq heures ... Ils sont là ma chere, et pensez il est arrive justement un de mes Cousins, qui etoit depuis quelque tems a la Cour, il est aussi aupres de ces Seigneurs, s’il lui venoit en tete de me voir – J’ai ete surprise, mon frere est entré et j’ai cache vitement ma lettre, ah ma chere il a ete envojé de mon Cousin qui veut me voir absolument il a deja fait mon eloge a Messieurs de Oldroqq – je me suis excusee, disant que me trouvois mal, mon frere etoit effraje en me regardant, car je suis pàle comme la mort. Je n’y saurois aller – que vais je devenir j’entends la voix de mon Cousin qui s’ecrie – il faut qu’elle vienne – il entre ...

a 7 heures

J’y ai donc eté; he bien sotte, qu’avois tu besoin de craindre. Je suis si gaje maintenant; – ecoutez moi, je Vous dirai tout ce qu’il se passa – Comme mon Cousin entra dans ma chambre, j’etois prete a m’evanouir, il le vit, ah Mademoiselle s’ecria t-il je vous revois, et dans quel etat – vous palissez – eh mon Dieu, qu’avez Vous je suis venu pour Vous chercher, ces Messieurs sont inquiets de vous voir, allons venez, ils sont bien aimables, votre mal se passera – Laissez moi Monsieur, je ne saurois, vous vojez que je ne suis pas bien, – que diront ces Messieurs s’ils me vojent en un tel etat – ce qu’ils diront ma chere – eh que ma Cousine est un Ange – Je Vous prie Monsieur – et je Vous prie Mademoiselle que craignez vous – venez venez. Il saisit ma main m’entraine – ouvre la Salle – voila Messieurs ma Cousine ... ils se levent – je ne sais ou je suis, et machinalement je vais vers l’aine d’Oldroqq qui prend ma main, la baise, et me fait quelques compliments, que je n’entends point. Le Cadet approche, je me tourne vers lui, faisant la reverence, je le regarde et je reste stupefaite, en vojant qu’il ressemble beaucoup a mon aimable Anglois [A. Lupton] – Mon frere apperçoit mon trouble et pour m’en tirer il prie les Messieurs de s’assoir. Cela me fait recouvrir la parole, je leur dis que j’etois fachee de les avoir derangès, et qu’ils me feroint plaisir de reprendre leur places. Nous nous assejons, le Cadet a coté de moi a main droite, mon frere a main gauche, l’aine a cote de lui, et puis vis a vis de moi mon Cousin. J’etois trop pres des chandelles, j’eus honte de me faire voir, c’est pourquoi je pris ma chaise, et la tirant loin de la table je m’y râssis – Mon cousin s’ecria dabord: Eh ma chere pourquoi nous derobez Vous nous votre charmant visage, approchez vous je vous prie – C’est ainsi ma coutume Monsieur de me mettre loin de la lumiere; et je l’ai plus sujet maintenant que jamais, ajant ete dans l’obscurité, ce grand eclat me frappe tout a coup, et m’eblouit tellement que je ne puis voir personne – Vous aurez en tout votre volonte ma chere, mais dites moi comment vous ètes Vous portee depuis l’hiver passe, vous etes devenue plus grande, et plus belle, Messieurs qu’en dites vous; vous ai [je] trompés en parlant de ma Cousine, comme d’une fille admirable? ... Les deux Seigneurs me regardoint avec un sourire d’approbation, ils se baisserent – que devoint ils dire – Je pris courage – Messieurs leur dis je, Vous vojez de ce seul trait, que mon Cousin a grande envie de railler aujourdhui, il badine, et je vous prie de prendre tout ce qu’il dit sur ce ton là – “Ma chere Cousine je ne vous ai pas encore communique la joje que j’ai ressentie, en trouvant a mon retour ici un Cousin si aimable, je ne le connois que depuis une heure, et dans ce peu de tems j’ai deja decouvert en lui mille belles qualités, on a sujet de vous feliciter, d’un frere si digne d’etre aimé“ – Je suis charmée Monsieur que vous etes convaincu a present, combien j’avois raison d’etre affligee de l’absence de ce frere cheri; ces trois annees ont etés bien longues pour moi, je souhaittois a tout moment son retour. – Ma Soeur, ma sœur, et maintenant que je suis là personne ne desire de me voir, c’est tout comme si je n’y etois pas – Point de reproches mon frere, vous le savez vous meme, que ce n’est pas là ma faute, vous etes toujours occuppé, et je n’ose vous interrompre si souvent que je le voudrois – Mais ma chere Cousine comment va donc la musique, vous excelliez deja l’hiver passe, que ne sera ce maintenant. Oserois je vous prier, de me faire entendre vos nouveaux progres; je suis sur que ces Messieurs en seront charmés ... Je me levai dabord et l’orsqu’ils virent que je marchois vers mon Clavessin ils se posterent touts autour de moi; le Cadet se mit de façon a pouvoir me regarder a son aise pendant que je jouois. Je le surpris quelque fois. Je fus deconcertee un peu sans savoir pourquoi, je rougissois ... cepandant j’executai assez bien mon Concert, et en me levant, je priai mon Cousin, de vous faire entendre son habilete en sifflant; C’est un drôle d’homme ma chere il fait ça d’une façon si curieuse, qu’il faut eclater de rire en le vojant. Il me ramena a ma chaise, et en me demandant ce qu’il devoit faire encore pour m’obliger je le priai de reprendre sa place; Vous saurez qu’elle etoit vis a vis de moi – Je vois a quoi ça aboutit s’ecria t-il vous voulès que je m’eloigne, c’est vous Monsieur, dit il au jeune d’Oldroqq, qu’elle a elû pour etre toujours pres d’elle; Que je suis charmé Messieurs, que vous ne restez pas ici; je n’aurois plus la moindre place dans le cœur de, ma niece, car je suis sûr que Vous me l’enleveriez entierement ... Mon frere pour donner un tour a la Conversation parla de Leipzig, du tems agreable qu’il y avoit passe, et en meme tems il commença a se plaindre de notre ville, du peu de gout qui y regnoit, de nos citojens stupides, et enfin il s’emancipa, que nos Demoiselles n’etoint pas supportables. Quelle difference entre les filles saxonnes, et celles d’ici s’ecriat-il – Je lui coupai la parole et m’adressant a mon aimable Voisin Monsieur lui dis je ce sont ces reproches qu’il faut que j’entende touts les jours; Dites moi je vous prie; vous qui n’etes peutetre pas si prevenu que lui, si c’est en effet la verite, que les Dames Saxonnes, sont tant superieures, a celles de toutte autre nation? – Je vous assure Mademoiselle que j’ai vu le peu de tems que je suis ici beaucoup plus de beautés parfaites qu’en Saxe, cepandant j’ose vous dire, ce qui porte tant Monsieur votre frere pour elles, c’est qu’elles possedent une certaine grace un certain air enchanteur – C’est justement interrompit mon frere, celle grace et cet air qui leur manque ici, je suis d’accord qu’elles sonst plus belles, mais a quoi me sert cette beauté, si elle n’est pas accompagnee de cette douceur infinie, qui enchante plus que la beaute meme.

Zitierhinweis

Online-Edition:
BuG I, BuG01_A_0109 (Ernst Grumach/Renate Grumach), in: https://goethe-biographica.de/id/BuG01_A_0109.

Entspricht Druck:
BuG I, S. 116 ff. (Ernst Grumach/Renate Grumach).

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